J’ai choisi ce titre accrocheur car “torticolis” est utilisé systématiquement pour décrire des attitudes préférentielles, ou attitudes en torticolis. Or, le torticolis est une pathologie peu fréquente. En effet, en cabinet, à 90 %, nous rencontrerons surtout des attitudes en torticolis, et non des torticolis. PAR JEAN DUCOURNEAU*
Dans le cas d’une attitude à torticolis, le bébé présente un côté privilégié mais il n’est pas bloqué et la rotation de la tête s’inscrit dans un schéma postural global sur l’axe cranio-sacré organisé avec les chaînes musculaires myofasciales. De plus, nous pouvons trouver du côté de la rotation une plagiocéphalie qui lui donne un plat sur un côté, ainsi qu’une asymétrie globale du crâne que l’on retrouvera dans le corps.
Les plagiocéphalies sont nombreuses et ne résultent pas simplement de l’appui de la tête imposé par le torticolis (lorsqu’il existe) ou la préférence d’un côté. Lorsqu’il y a un torticolis, il est intra-utérin ou accidentel à l’accouchement. Mais le torticolis s’inscrira toujours dans un schéma postural asymétrique global sur l’axe crâne/sacrum que l’on retrouve dans l’attitude en torticolis. Nous traitons souvent à tort des torticolis qui n’en sont pas et de manière trop analytique en basant notre stratégie de soins uniquement sur le Scom (muscle sterno-cléido-mastoïdien).
Je me propose de définir ces différents éléments, ainsi que de vous offrir une prise en charge thérapeutique.
Définitions
Torticolis primaire ou intra-utérin
Celui-ci peut survenir par ischémie, par diminution de l’apport vasculaire du Scom aboutissant à une nécrose responsable de la fibrose localisée au niveau du Scom. On pourra alors trouver une dépression au niveau du Scom, avec un raccourcissement du muscle conditionnant la position de la tête en inclinaison et rotation opposée.
Cependant, l’explication la plus crédible – mais non prouvé à ce jour – est certainement une malposition de la tête en forte inclinaison et rotation qui entraîne une compression vasculaire. Dans ce cas, on retrouvera un schéma postural asymétrique en commençant par le crâne, avec plagiocéphalie ou pas.
Torticolis secondaire
Ils sont accidentels et arrivent souvent à l’expulsion lorsque le bébé reste coincé. La traction par le creux axillaire ou le crâne lors du dégagement peut provoquer une lésion du Scom ou du scalène. On pourra trouver une olive musculaire, trace palpable et visible d’une contraction importante consécutive à une lésion musculaire du Scom.
À l’origine (photos 1 et 3), il y a souvent une position en virgule avec une préférence de la rotation de tête d’un côté, donc une chaîne musculaire englobant le Scom (photo 2) qui offrira une résistance à la traction. Cette asymétrie intra-utérine sera une origine possible au ralentissement du fœtus lors de l’expulsion. La présence d’une plagiocéphalie associée à une asymétrie crâne et corps pourra également être une source de ralentissement.
L’origine des torticolis est soit une lésion musculaire ou aponévrotique des sterno-cléido-mastoïdiens, voire des scalènes, avec la trace d’un hématome nettement visible et palpable. La tête n’a plus aucune possibilité de se tourner de l’autre côté.
Les torticolis sont douloureux et la lésion bloque le mouvement, ce qui n’est pas le cas dans l’attitude en torticolis. Ils s’accompagnent souvent de problèmes fonctionnels digestifs comme les régurgitations ou des problèmes de tétée.
Les torticolis sont heureusement rares. Il faudra bien sûr un travail complémentaire kinésithérapique et ostéopathique. Dans ce cadre, il y aura à la fois un travail analytique de la lésion musculaire ou/et aponévrotique, mais aussi un travail global en kiné-périnatalité sur les chaînes musculaires.
Attitude en torticolis
Le bébé présente une préférence évidente en rotation d’un côté. Les parents l’ont observé, souvent confirmé par un professionnel en maternité ou en ville, qui parlera de torticolis. Nous verrons comment faire la distinction par un diagnostic différentiel.
L’ensemble du corps sera organisé dans une vrille qu’il faudra déterminer. Le crâne sera souvent déformé du côté de l’appui. La variété de ces plagiocéphalies fait l’objet d’un chapitre supplémentaire.
La vraie problématique de l’attitude en torticolis, c’est la course contre le temps. Ainsi, si l’on n’intervient pas rapidement dès la naissance, il y aura aggravation de la plagiocéphalie et fixation de la virgule ou de la vrille.
Mais on peut intervenir encore plus tôt : améliorer les petits maux de la grossesse et permettre à la femme enceinte de vivre plus confortable- ment induira une position plus confortable du fœtus. Cela permettra d’éviter les contraintes sur le crâne à l’origine des attitudes en torticolis, ainsi que la virgule ou vrille du corps, et éventuellement d’un torticolis.
Je vous présente également des solutions dans la formation kiné-périnatalité pour les femmes enceintes.
Organisation thérapeutique
Nous devons intervenir au plus prêt de la naissance.
Évaluation différentielle ou diagnostic différentiel :
avant tout pouvoir déterminer s’il s’agit d’un torticolis ou d’une attitude en torticolis.Observation : identifier visuellement la lésion si elle existe (photo 2) pour parler d’un torticolis. Il existe une dépression nette en regard du Scom. Si nous avons la chance de pouvoir l’observer rapidement, la couleur liée à l’hématome renforce le diagnostic. Si c’est plus ancien et déjà cicatrisé, on verra juste la dépression ou l’olive musculaire.
Mobilisation passive :
– Par la tête : confirmer par une mobilisation passive très douce et méticuleuse en évitant les pleurs. Il faudra exercer une rotation opposée qui doit montrer une résistance évidente avec une tension de défense immédiate pour un torticolis. Si le visuel ne montre rien et la mobilisation passive de la tête est possible, on confirmera une attitude en torticolis par une mobilisation de la tête par le bassin, ainsi qu’une mobilisation active.
– Par le bassin : pour avoir une objectivité maximum, la mobilisation par le bassin permet de ne pas forcer sur la tête et éviter des conclusions hâtives. Tourner la tête du bébé sans lui prendre la tête. On choisit le côté où il va le moins souvent, opposé au côté préféré (photo 5), on ramène le bassin comme pour lui changer la couche, puis on le lui met à l’horizontale (photo 6). C’est un apprentissage pour bien maîtriser cette technique. Au besoin avec une sucette ou l’annulaire muni d’un doigtier, on maintient la tête sur le côté installé avant de ramener le bassin à l’horizontale.
Mobilisation active :
Bébé sur le dos ou dans les bras, il suffira de stimuler avec la sucette ou avec l’annulaire muni d’un doigtier du côté opposé. C’est impossible pour un torticolis mais il peut le faire si c’est une attitude en torticolis.
Évaluation globale
De l’ensemble tête/corps
Nous avons vu que le torticolis était un événement accidentel sur la base d’une attitude en torticolis. Dans cette attitude, on retrouvera une vrille dans le corps ou une attitude en virgule (photos 1 et 3).
Le bébé est organisé dans cette vrille et les chaînes myofasciales qui composent cette vrille interviennent comme des ressorts. Elles permettent les deux positions (photos 1 et 3). Mais l’une des deux est dominante comme raccourcie ou d’élasticité moins grande. Exemple d’une chaîne musculaire (Scom, hémi coupole diaphragmatique et psoas iliaque du même côté). Le bébé peut tourner la tête d’un côté mais revient à la position qui fait qu’il est majoritairement mieux dans une position (photo 5 où nous voyons la tête d’un côté, la colonne ou virgule fermée du côté de l’inclinaison et le bassin qui suit les jambes du côté de l’inclinaison).
Si un torticolis se rajoute à cette problématique, on a tendance à traiter simplement le torticolis en oubliant le reste du corps et le crâne.La rotation privilégiée du crâne donnera une position de l’occiput sur la première cervicale qui influencera la position des autres vertèbres jusqu’au sacrum. La colonne vertébrale dessinera une virgule et le sacrum, guide du bassin, embarquera celui-ci en inclinaison et rotation (photo 1). Au milieu, la colonne dessine une virgule.
De la tête
Inspecter le crâne dans les trois plans de l’espace afin d’évaluer la présence d’une asymétrie et/ou une plagiocéphalie (photo 4, vue de dessus). Nous devrons inspecter le crâne du dessus, depuis l’arrière. Si nous constatons une plagiocéphalie avec asymétrie, nous devrons orienter le bébé vers un ostéopathe spécialisé en péri- natalité tout en continuant les séances.
– Du dessus : nous pourrons voir une tête en parallélogramme, par exemple. Nous verrons un plat à l’arrière et une “bosse” à l’avant, et vice versa.
Du dessus, on verra le plat sur un côté (photo 4) ou un plat sur tout l’arrière au niveau occipital et frontal. On remarquera les zones de frottement où les cheveux sont moins nombreux, qui sera le témoin objectif des points d’appui privilégiés. On regardera la position des oreilles : l’oreille du côté plat est plus avancée et le nez n’est pas sur la ligne centrale.
– De l’arrière : on observera les traces de frottement privilégié, le plat d’un côté ou de l’autre, parfois central. On regardera les oreilles. Du côté du plat, l’oreille est plus décollée en raison de la position du temporal (plagiocéphalie). On verra l’inclinaison de la tête, témoin de l’attitude en torticolis ou du torticolis.
– De face : on remarquera la forme et le niveau des yeux, l’orientation du nez, la symétrie du sourire, les oreilles, l’inclinaison de la tête. Tout cela en fonction d’une attitude en torticolis ou d’un torticolis, avec plagiocéphalie ou non.
Traitement
Torticolis
Après une évaluation complète, nous travaillerons la lésion en fonction de son ancienneté, puis le schéma postural global à partir des chaînes myofasciales.
Lésion récente : on ne devra pas la masser mais on pourra drainer l’hématome et détendre les tissus. Pour cette dernière action, on devra raccourcir au maximum le Scom et placer sa main (ou deux doigts) dans le sens des fibres de manière à détendre les fascias – principe rapporté par serge Paoletti dans Les fascias. Une fois la lésion cicatrisée, on pourra travailler sur la globalité tête/corps équivalent au travail d’une attitude en torticolis (lire plus loin).
Le bilan nous aura montré la présence d’une plagiocéphalie, il faudra lui conseiller un ostéopathe.
Lésion ancienne : masser la zone fibrosée, détendre les fascias du Scom, on teste la détente en revenant dans le sens de l’étirement jusqu’à la barrière de résistance. L’étirement se fera dans les paramètres d’inclinaison et rotation opposé. Et on recommence. Sans attendre, nous pouvons traiter la vrille ou virgule tête/corps.
Attitude en torticolis
Faire un diagnostic différentiel afin d’éliminer un torticolis de manière indiscutable, puis déterminer la posture globale préférée. Il s’agit ensuite d’inspecter le crâne pour déterminer une asymétrie et ou plagiocéphalie.
Pour faciliter la vrille opposée le plus rapide- ment possible et éviter les fixations et l’aggravation de la plagiocéphalie, il faudra lever les verrous sur les chaînes musculaires tendues, mais réductibles.
Les verrous
– Au niveau du Scom : travailler en raccourcissement comme vu précédemment selon le principe de libération des fascias. Lors de la phase d’étirement, on pourra s’aider du bassin que l’on pourra maintenir du côté opposé de la correction (photo 1).
– Au niveau du diaphragme : du côté fermé de la virgule, l’hémi coupole est en position expiration. Il faudra ouvrir l’angle en s’aidant du bassin. Dans un premier, on aura fermé l’angle au maximum, de manière à détendre les tissus. Au besoin, on mettra un point d’appui au niveau des piliers du diaphragme (D12).
– Au niveau du psoas : au niveau de son insertion proximale, le psoas adhère aux fascias de l’hémi coupole en restriction. Après avoir majoré la fermeture, on étirera cette chaîne via le bassin en soulevant ce dernier.
Si c’est difficile, on placera le bébé côté fermé de la virgule, en laissant la tête du même côté (au besoin avec la sucette), puis on mettra le bassin à l’horizontale (photos 5 et 6).
Travail global
On partira toujours de la virgule ou de l’attitude de confort pour un travail de détente dans la position qu’il préfère. Ensuite, on le mettra sur le côté opposé (photo 5). On fixera sa tête au besoin, s’il tente de se retourner, avec la sucette ou l’annulaire de la maman. Puis, en relevant le bassin, on emmène celui-ci à l’horizontale de manière à étirer l’ensemble des verrous et de la chaîne musculaire en restriction. On répétera l’opération plusieurs fois avec des temps de pause en fin d’étirement.
Organisation dans le temps
Cela dépendra de l’âge du bébé et du diagnostic.
Pour un torticolis, si la lésion est récente, il faudra l’accompagner jusqu’à la cicatrisation, puis travailler le muscle et l’aponévrose cicatricielle avec la globalité de l’attitude en torticolis. C’est une prise en charge longue qui peut s’étendre sur plusieurs semaines. Il faudra faire un point autour des phases d’évolution, c’est-à-dire vers cinq mois pour la position assise aidée, huit mois pour la position assise, puis au- tour de douze mois pour la position debout. Pour l’attitude en torticolis, ce sera moins long et plus espacé, à part au début, puis nous surveillerons les phases d’évolution pour retravailler si besoin les chaînes musculaires. Vous pourrez objectiver que la tête est bien libre. Bien sûr, on vérifiera la vrille ou la virgule.
La séance ne doit pas dépasser quinze minutes efficaces. Plus le bébé est jeune, plus le travail sera efficace et évitera les fixations et les plagiocéphalies.
Conseils
Il faut d’abord convaincre la maman en lui expliquant la problématique de l’attitude en torticolis, avec ou sans torticolis. Je vous conseille également d’obtenir au maximum l’adhésion du bébé en évitant de le faire pleurer. Pour cela, assurez-vous qu’il a bien mangé. Servez-vous de la sucette ou de votre annulaire (ou de celui de la maman) pour l’apaiser. Stimuler activement du côté opposé au côté de la tête préférentiel par la sucette, un bibelot ou la voix. Installer le bébé d’un côté et de l’autre. Bloquer sa tête n’est, à mon sens, pas conseillé. En effet, si c’est une contrainte le bébé ne l’acceptera pas.
Après bilan, lui conseiller un ostéopathe en cas de présence d’une plagiocéphalie.
Conclusion
Voilà donc une base de travail qui constitue une ouverture, une direction à une prise en charge pour laquelle nous sommes de plus en plus sollicités.
C’est cette attitude en torticolis qui donnera la posture de demain, améliorée par votre travail et celui de l’ostéopathe. Cette asymétrie crâne/ corps se retrouvera sur toutes les entrées posturales (position des dents, ouverture de la mâchoire, les yeux, la position de tête, le niveau des épaules et du bassin, la colonne vertébrale, la position des membres inférieurs et des pieds) (photo 7).
Ce travail sur le bébé atténuera considérablement les effets négatifs sur la posture et permettra de mieux comprendre et de mieux soigner l’adulte. Mais il s’agit là d’un autre débat.
BIBLIOGRAPHIE
Godelieve Struyf-Denys, Les chaînes musculaires et articulaires, éd. SBORTM.
Serge Paoletti, Les fascias, éd. Sully.
Nicette Sergueef, Approche ostéopathique des plagiocéphalies avec ou sans torticolis, éd. Spek.
Jean Ducourneau, Kiné-périnatalité : Présentation et indications (polycopié).
Source : Kiné Actualité – numéro 1329, du 5 septembre 2013
1 Commentaire. En écrire un nouveau
est ce à l’age de 46 ans on peut opéré un torticolis congénital, pour redonner au visage sa forme initiale .
merci